Le grand-père français
Mon père est un papi adoré, comme il a été (est) un papa adoré. Le papi qui fait rire, qui raconte des histoires interminables pendant les longues journées de trek, qui emmène pêcher la truite (quitte à se détruire le dos), qui va au parc ou au marché, qui joue au foot.
« En vacances dans un bel hôtel en Inde, je me souviens avoir échangé quelques mots avec une autre cliente, travaillant au Consulat français de Mumbai. Je lui annonçai la récente naissance de notre petit-fils, enfant de mère française et de père indien, vivant en Inde. Elle me répondit : « C’est génial ! Il va prendre le meilleur des deux cultures ! » Ce fut un signal fort : à cet instant, j’ai réalisé que les relations avec mon futur petit-fils pouvaient être différentes de celles que j’avais pu avoir avec mes trois enfants.
C’est vrai qu’à ce moment-là nous étions en droit de nous interroger : comment ce petit bout-de-chou va-t-il se situer dans sa vie, dans ses relations avec nous, grands-parents et oncles ? Sera-t-il plutôt indien ou français ? Ne serait-ce que sur le plan de la langue, allons-nous devoir apprendre l’hindi ou sera-t-il bilingue, voire trilingue ?
Question nourriture et vestimentaire, comment cela allait-il se passer ? L’idée commençait à germer dans mon esprit : il était clair qu’il allait falloir nous adapter à la situation et le petit trésor sûrement aussi ; et chacun à sa façon ! Ça n’a d’ailleurs pas traîné. En termes de nationalité, cela a été simple ; la bi-nationalité n’existant pas en Inde, les parents ont tranché : il aura un passeport français (pour des raisons évidentes de facilités administratives pour ses futurs déplacements à l’étranger, notamment en France).
Question langue, sa mère lui parlant français ou anglais, son père essentiellement anglais mais parfois quelques mots en français, c’est finalement lui qui a choisi : il parlerait anglais. Et ce n’est pas nous, grands-parents, oncles, voire sa mère, qui allait lui faire changer d’avis ! Même toute sa classe de maternelle s’est mis à l’anglais à cause de lui. Moi, j’ai tout de suite senti que c’était lui le plus fort ! J’ai cédé le premier jour et me suis exprimé avec lui en anglais (enfin avec MON anglais…) et curieusement il m’a tout de suite adopté. Par la suite, j’ai bien essayé de lui parler en français mais j’avais l’impression de faire un match de ping-pong tout seul. Il me demandait en anglais de lui parler anglais et, de toute façon, il ne répondait qu’en anglais. Le plus impressionnant c’est qu’il comprenait très bien presque tout ce que je lui disais en français. Bref il ne voulait parler que l’anglais. La seule chose qu’il acceptait toutefois (et encore !), à contre-cœur néanmoins, c’est que je lui raconte l’histoire pour l’endormir en français. Mais là il n’était pas question de transiger, il fallait que j’apporte ma contribution à son apprentissage de la langue française.
Je dois avouer toutefois qu’il m’est arrivé (et plus d’une fois de lui raconter ladite histoire en anglais et même si le livre était écrit en français !). Chut, ne le dites pas à sa grand-mère ! Elle, elle considérait que pour son bien et sa vie future, il fallait que son petit-fils parle français aussi bien qu’anglais dès son plus jeune âge. « Les enfants ont cette aptitude », dit-elle. Alors elle ne s’adresse à lui qu’en français, mais lui, il répond en anglais… quand il répond ! Les oncles sont partagés : l’un a préféré le français, l’autre l’anglais.
Pour les habitudes alimentaires, il a bien intégré qu’il y avait une cuisine française qu’il aime (melon, concombre à la crème et jus de citron, etc.) à côté de la cuisine indienne (dal, riz, etc.). Mais il y a surtout une cuisine commune : les frites ou pâtes, AVEC du ketchup ! En France, il mange avec cuillère et fourchette ; en Inde avec les doigts. AUCUN problème pour passer de l’un à l’autre. »
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